6
avril
2021

ÇA BOUGE DANS LES CANTINES ?

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« Manger cinq fruits et légumes par jour »… et la place de la viande dans les cantines scolaires ? Sans volonté de polémiquer, OH!BAH est allé à la rencontre de Marie Le Cadre, diététicienne et responsable de la restauration pour la ville de Couëron depuis quatre ans. Alors, comment ça se passe là-dedans ?

Pour commencer, un petit rappel : ce sont les villes qui ravitaillent les restaurations scolaires de nos écoles primaires, les départements approvisionnent celles des collèges, tandis que les Régions font mastiquer nos lycéens. Chacun son rôle, chacun son plan !

C’est quoi le cadre de votre job en tant que Responsable de la restauration ?
Je dois retranscrire la politique de la ville et je pilote tous les projets liés à la restauration. Nous avons 90 agents, c’est donc un quotidien assez dense, mais la prise en charge de l’alimentaire envers les enfants est très enrichissant. Nous travaillons pour les cantines restaurants scolaires mais aussi pour les centres de loisirs. Tous les repas sont élaborés à Couëron par sept agents. Pour les achats, nous collaborons avec un prestataire.

J’imagine qu’il y a un gros cahier des charges…
Oui, la restauration collective est très encadrée. Nous sommes régis par la loi EGalim, appelée aussi loi des états généraux de l’Alimentation 2018. Elle a pour objectif l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible. Elle impose des produits de qualité comme le bio, le label rouge ou encore les AOC, AOP, etc.

Et les produits locaux et les circuits courts dans tout ça ?
Dans le cadre des marchés publics, c’est délicat car nous n’avons pas le droit de favoriser un marché plutôt qu’un autre sur le seul critère du localisme. Mais nous faisons quelques achats locaux, hors marché, dans le cadre d’actions accompagnées par le service Développement Durable. Nous avons des objectifs ! Concrètement, aujourd’hui, nous sommes à 50 % de produits de qualité et locaux et nous espérons monter à 70% en fin de mandat. Pour les circuits courts, il y a souvent une erreur d’interprétation car cela signifie juste des achats sans intermédiaires mais pas forcément des achats de proximité.

Vous vous inscrivez dans une dynamique de territoire à l’échelle de la métropole ?
Nous avons de nombreux engagements communs dans le cadre du PAT (Projet alimentaire de territoire), qui ne concernent pas exclusivement la restauration collective (agriculture, agroalimentaire etc.). Toutefois, avec d’autres villes de la Métropole, nous réfléchissons à faire des achats groupés pour développer les achats de qualité, être plus nombreux et mutualiser ainsi les démarches administratives : j’aime parler d’intelligence rédactionnelle !

Et concrètement, quels sont les enjeux politiques d’une restauration responsable ?
Il y a l’amélioration de la qualité, la lutte contre le gaspillage, le recyclage des biodéchets et bien sûr l’éducation au goût. Tout cela s’inscrit aussi dans une démarche pédagogique avec les élèves. Nous faisons des ateliers sur différentes thématiques comme prendre le petit déjeuner, jardiner et composter, cuisiner ou encore sur la gestion du bruit dans les restaurants scolaires. Nous intervenons avec des associations du territoire et nous avons aussi une commission d’enfants, notamment pour les ateliers cuisine ou le club des testeurs…
Toutes ces actions nourrissent notre démarche qualité Mon Restau Responsable®, et s’inscrivent pleinement dans le PEDT (Programme Éducatif de Territoire).

Comment gère-t-on le gaspillage alimentaire à l’échelle d’une commune ?
Nous faisons de nombreuses expérimentations sur le terrain et l’équipe a écrit un référentiel de 70 actions. Résultat : 12% de gaspillage en moins en deux ans. Ce qui fait tout de même 50 000 repas non jetés ! La difficulté est, en gardant l’éducation au goût, de limiter le gaspillage, mais nous savons par exemple que le jour des épinards, nous aurons un peu plus de déchets. (Rires). L’éducation au goût reste un pilier du service, et nos agents sont formés dans le cadre de la démarche Clemantine® (Clés pour une meilleure alimentation à la cantine)

Et les biodéchets, vous en faites quoi ?
Ils sont soit compostés, soit méthanisés pour en faire du biogaz. Pour le compostage, nous travaillons avec Compost in situ, un ensemble d’agriculteurs qui récolte les denrées pour les composter en bout de champs. L’intérêt, c’est qu’avec eux, on peut composter bien plus que si c’était la collectivité qui s’en chargeait.

Et les parents dans tout ça, ils ont leur mot à dire ?
Oui, nous nous réunissons avant chaque vacances scolaires avec le comité Consultatif Restauration qui est constitué des représentants des parents d’élèves de chaque école, d’un représentant de l’Éducation Nationale, d’élus, d’agents de restauration et de moi-même. Nous validons les menus, nous présentons les actions du service et répondons aux questions des parents… Et, si tout va bien, le 5 juin prochain nous aurons une séance publique d’engagement « Mon Restau Responsable » ouverte à tous, un temps fort où les parents pourront également visiter le restaurant scolaire.

Pour finir, il y a eu récemment une polémique autour de la politique publique de la ville de Lyon qui a ôté, pour un temps limité et pour des raisons sanitaires, la viande au menu des restaurants scolaires. En tant que diététicienne et responsable de la restauration, vous avez un avis sur la question ?
Le débat est en effet ouvert depuis quelques semaines. J’entends souvent que « les enfants risquent de manquer de protéines » ou encore « qu’ils n’auront plus la chance d’avoir un repas couvrant leurs besoins nutritionnels » si on leur propose un repas végétarien à fréquence régulière. Ce point de vue est uniquement culturel, car on a longtemps communiqué sur le fait que les protéines sont contenues dans la viande, et qu’en conséquence pour avoir suffisamment de protéines, il faut manger de la viande. C’est un raccourci biaisé, car les protéines alimentaires sont contenues dans bon nombre d’autres aliments, notamment les légumineuses, laitages, œufs etc. Donc non, on ne dégrade en aucun cas la qualité des repas en proposant des repas végétariens. Il faut par contre être attentif à équilibrer ces repas, et ça, nous les diététiciens on sait faire ! Le texte de référence sur le sujet est d’ailleurs en cours de mise à jour dans ce contexte (GEMRCN).
Au-delà de cette polémique, je prône la variété des menus, et la viande, tout comme les repas végétariens, y ont toute leur place. Tout est question d’équilibre, de fréquence et de quantité.

Propos recueillis par Valérie MARION

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