Esther Andersen

C’était les vacances. Le premier jour, je prenais le train tout seul avec ma valise. C’était chaque fois le plus beau jour de ma vie. Comme tous les étés, un petit garçon s’exile chez l’oncle Angelo. Au cœur des champs de maïs, entourée de vallées, de villages déserts, de prairies… la maison de l’oncle Angelo est un refuge. Un repère pour les oiseaux, le chèvrefeuille, les objets usés et le jeune protagoniste de cette histoire.
Au fil du temps, l’oncle Angelo n’a pas changé, les nouilles au beurre ont toujours leur saveur, mais le vélo orange est devenu moins grand, presque à la bonne taille. Alors, le paysage, dans son immensité, a lui aussi repoussé ses frontières. Pédalant toujours plus loin, s’écartant du chemin, le jeune garçon découvre cet été là un endroit, un horizon, des sensations et une émotion qu’il ne connait pas.
De son style si subtil, si romanesque, Timothée de Fombelle saisit ici l’indicible et cueille le lecteur comme la vague qui submerge soudainement son héros. Car si tout commence par un refrain – celui, chaque été, du départ en train – l’on sait déjà que quelque chose va basculer et nous emporter, malgré le banal de la situation, très loin.
L’album se présente dans un format généreux, aux larges doubles-pages, créant d’emblée une sensation d’espace, de silence, de calme, renforcée par la finesse des traits d’Irène Bonacina. L’illustratrice excelle dans une minutie chargée d’expression (on pense à Quentin Blake), la précision de sa plume (proche des dessins de Sempé) et la douceur de ses pinceaux. La couleur, utilisée avec parcimonie, dans des teintes délavées, traduit la timidité, évoque l’évanescence et laisse place aux détails du crayon qui s’efface soudain pour un ciel bleu orangé.
Esther Andersen c’est l’histoire d’un été plus intense que les autres, un récit initiatique, un instant magique, une rencontre inoubliable, des relations familiales pudiques et sincères, une joie immense.
Lucie Charrier