Le repas des hyènes

Jaloux de son frère Kobé, sorti du ventre de leur mère quelques secondes avant lui, Kana trépigne de ne pas être celui qui sera « initié ». Lui aussi voudrait nourrir les hyènes, lui aussi connaît la tradition, lui aussi voudrait enfiler le masque et chasser les Yabans, ces esprits coincés entre le monde des morts et celui des vivants. Têtu et téméraire, Kana devra affronter un esprit maléfique, et sera forcé de faire la route à ses côtés. Le conte – sorte de pacte avec le diable – effraie autant qu’il fascine. Et c’est toute la magie de l’oralité du griot qui est ici retranscrit par les dialogues, les silences – espaces de réflexion – et par les encres et aquarelles de Mélanie Allag, organisées en vignettes ou débordant en pleines pages. L’ocre chaud des corps, le rouge du regard démoniaque, on alterne entre le très sombre du drame et le très coloré d’un univers aux rites hallucinatoires. L’illustratrice envoûte par la puissance des coloris et l’expressivité de ses personnages et créatures. Innocence, héritage, destinée, défi, trahison, l’enfance est soumise à des sentiments contrastés, à l’image des paysages traversés qui soudain sont hantés par les fantômes d’une histoire coloniale, mêlant esclavage et pillages. Une fois le cauchemar évanouit, c’est un tout autre monde, ésotérique et psychédélique qui surgit…
Inspirés par les masques africains, nourris de plusieurs contes traditionnels, Aurélien Ducoudray et Mélanie Allag créent un récit graphique initiatique et fantastique. Sortie en librairie fin 2020, malgré une année de la bd sacrifiée et un contexte culturel étriqué, Le repas des hyènes s’est distingué jusqu’à figurer dans la sélection officielle de la 48e édition du Festival d’Angoulême (juin 2021). Il est toujours temps de vous rattraper si cette bande-dessinée n’a pas encore ensorcelé votre début d’année !
Lucie Charrier

Testez vos pinceaux sur le dessin de Mélanie Allag qui offre, pour ce numéro de OH!BAH une illustration à coloriser à découvrir en rubrique Coloriage…