DESSINE-MOI UN MOUTON… DES ÉCUREUILS, DES CHOUETTES
Auteure-illustratrice pour l’édition et la presse jeunesse depuis 2008, Gaëlle Duhazé vit et travaille à Nantes. Dessinatrice autodidacte, on devine derrière ses jolis dessins et ses ambiances habilement colorées, des personnages-animaux pas si lisses et des histoires plus complexes qu’il n’y paraît. Dans un univers où se mêlent récit d’aventure et fantastique, le voyage intérieur prend une place à part.
À l’image de ses héros, Rickie Raccoon — une raton laveur en quête d’aventures et d’elle-même, ou de Chaton Pâle —un matou casanier un peu névrosé mais qui finit par sortir de sa torpeur, Gaëlle a décidé à 25 ans de prendre sa vie en main. Après des études supérieures en histoire de l’art, elle comprend que sa voie n’est pas celle-là. Plus que jamais déterminée à suivre une carrière artistique, elle part alors à Angoulême découvrir l’antre des bédéistes et rencontrer de jeunes auteurs. Là, pendant 4 ans, elle enchaîne les petits boulots, de guide patrimonial à ouvreuse au théâtre municipal tout en grattant sur sa planche à dessin.
Une fois son book constitué, elle court alors les salons professionnels et rencontre la jeune maison d’édition HongFei qui va lui faire confiance. De là vont naître plusieurs collaborations : des livres de commande comme l’album Mûres-mûres puis, au moment où elle maîtrisera parfaitement textes et images, sortira son premier livre Chaton Pâle et les insupportables Petits Messieurs. Productive et talentueuse, elle remporte, en 2016 avec Cité Babel, le grand livre des religions, le prix Sorcières qui distingue une œuvre de la littérature jeunesse.
Gaëlle dit cependant préférer la fiction et trouver l’inspiration dans la littérature. Si l’illustration pour enfant lui sied à ce point, c’est qu’elle aime avant tout dessiner les animaux, les paysages et tous les attributs d’une culture étrangère. D’ailleurs, elle fournit moult détails dans ses planches. Contrairement à un auteur de roman graphique, ses livres sont décortiqués par ses lecteurs, qui ont pour la plupart entre 5 et 9 ans. « J’ai la chance d’avoir des albums qui sont lus et relus ! ». C’est d’ailleurs en allant à la rencontre de son lectorat, lors de séances de dédicaces, qu’elle a pris conscience d’un micro fan club.
À l’heure où les médiathèques et les librairies ont été temporairement fermées, les retours se font plus rares quoique demeurent les mails envoyés par les parents. D’ailleurs quelle sera l’influence de cette période sur le milieu de l’édition jeunesse ? Peut-être plus de frilosité à découvrir de nouveaux talents et des revenus en baisse chez des auteurs qui vivent aussi des rencontres et ateliers durant les salons du livre… Et quel impact sur ses propres personnages, parfois en peine avec des sentiments exacerbés ? « j’aime gratter sous les choses, découvrir l’intime et illustrer les émotions qui nous façonnent ».
Espérons que son univers poétique et sa ménagerie fantastique seront épargnés par ce climat parfois anxiogène. Panthères des neiges, renards, pandas et compagnie ont encore beaucoup de choses à explorer et leurs histoires restent résolument drôles et positives. Sans doute, que sous le pseudo de Perdita Corleone qui incarne le côté sombre de sa force graphique, l’auteure pourra libérer toutes ces nouvelles émotions. Un projet qui se résume pour l’instant à des planches illustrées où, comme dans une eau-forte de Goya, un rêveur est assailli par des monstres. Un jour peut-être formeront-elles un album mais ça c’est une autre histoire.
Ann Daloune
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