LA FEMME VISIBLE

D’origine malienne, Diaba a grandi en région parisienne, dans une petite commune où l’arrivée d’une famille noire a suscité curiosité et quelques à priori. À ce stade, l’histoire ressemble au film Bienvenue à Marly-Gomot ! Viennent ensuite les années d’études, la rencontre avec le futur père de ses enfants, une carrière dans les ressources humaines puis l’envie d’une reconversion professionnelle au moment d’un congé parental. Le couple cherche alors à s’installer dans l’Ouest, un retour aux sources pour son mari Morgan d’origine bretonne. Ce sera finalement Nantes, une ville au tissu associatif riche où Diaba fera ses armes comme trésorière à Casa Africa.
Mais, vite, l’envie de créer sa propre asso la taraude. « Quand on est une personne noire, on est vite confrontée à la différence et assez mal représentée dans la société. Alors je me suis dit qu’est-ce que je peux faire pour en parler à mes enfants ? ». En l’abordant par la question du livre, Diaba a trouvé un début de solution. Ainsi nait l’idée de Nya Talents. Faire se rencontrer les familles en proposant des ateliers créatifs, de l’éveil linguistique, des lectures de contes issus de la diversité et constituer un fonds documentaire où les personnes non-blanches deviennent visibles. « C’est important d’avoir des représentations justes qui cassent les stéréotypes et permettent aux enfants de se construire ».
Or, il est difficile de trouver des ouvrages sur la question, « le milieu de l’édition ne se penche pas assez là-dessus, ça reste une niche et les auteurs sont souvent américains ou anglais ». Chez nous, elle cite la bd Akissi, les aventures d’une petite ivoirienne ou encore Aya de Yopougon en version ado et l’album de Laura Nsafou, Comme un million de papillons noirs, qui lui tient particulièrement à cœur. Il décrit la discrimination entre enfants, une réalité que peu de livres osent affronter.
Pourtant Diaba et ses bambins l’ont connu : « petits, on nous touche les cheveux sans demander, on pose des questions sur le physique et parfois on se moque ». Pour elle, tout est une question de communication et ça doit commencer à l’école. Sur le sujet de l’apparence et du bien-être, elle s’est tout autant investie en reprenant des études de coiffure et cosmétique pour aider les femmes à s’accepter et surtout à abandonner les produits toxiques qu’elles consomment en masse. Victimes de préjugés ou de pressions sociales intra-communautaires, tel le colorisme où les peaux plus pâles sont valorisées, les femmes noires ont recours à des crèmes blanchissantes ou des défrisages puissants, qui à long terme ont des conséquences sur leur santé.
Parallèlement à tous ces projets, Diaba participe aussi à un plan de coopération soutenu par la ville de Nantes au Mali. À Débo, dans le village maternel, des actions sont menées pour aider les femmes à trouver une autonomie financière par le développement de l’agriculture et de l’artisanat local.
Enfin, le festival des Fonderies, que son mari et elle ont créé en 2015, va pouvoir reprendre. Sur un week-end en été, les familles se regroupent aux sons des musiques afro-caribéennes. Animations, ateliers, lectures favorisent l’échange et la découverte. Situé près de chez eux, le jardin s’y prêtait bien. « On s’est dit c’est pas trop loin, c’est couvert et quand il fait chaud et qu’on avoisine les 35/40 degrés on se croirait sous les tropiques ! ». À suivre…

Ann Daloune