29
novembre
2022

TOUT EN DOUCEUR

L’une vient du théâtre et l’autre de l’audiovisuel. Couple à la scène comme à la ville, Pascaline Marot et Grégoire Gorbatchevsky montent en 2010 Digital Samovar, une compagnie conçue comme un espace dédié à la création contemporaine et à l’art vivant. Avec trois pièces jeune public à leur actif (dont une très jeune public), ces nantais d’adoption nous racontent comment tout ça se fabrique !

Comment en êtes-vous arrivés à faire des spectacles jeune public ?
Grégoire : je crois qu’on y est arrivés par hasard. On ne s’est pas formatés en se disant qu’on allait faire du spectacle pour enfants. Au départ, on était plutôt sur des spectacles familiaux qui pouvaient toucher tout le monde. Pour un précédent projet, on a collaboré avec une réalisatrice de films d’animation et c’est son univers qui nous a amené vers ça.
Pascaline : en fait, c’est quelqu’un qui nous a dit qu’on était en train de créer un spectacle pour enfant ! On ne l’avait pas perçu alors on a dit « non, on fait un spectacle pour tout le monde »… et cette personne nous a répondu qu’un bon spectacle pour enfant, ça parlait aussi aux adultes.

Comme si vous aviez gardé votre âme d’enfant ?
Pascaline : ça fait un peu culcul la praline ! (Rires) Les gens ont parfois l’impression que quand on est artiste, on a gardé notre âme d’enfant, comme si on était des gens à part, des poètes. Mais pour moi, la poésie, elle est ancrée dans le quotidien, dans la réalité. C’est justement parce que tu es très en prise avec la réalité que tu peux être dans la poésie. Et c’est ce que sont les enfants. À la fois dans des choses très concrètes et dans l’imaginaire, un imaginaire bien souvent plus riche que chez l’adulte.
Grégoire : je me souviens très précisément être allé enfant voir des spectacles et je détestais qu’on me prenne pour un imbécile. Et dans la compagnie, je suis la police de l’enfance ! Nous, on raconte des histoires pour des enfants, mais on le fait comme on respire, on ne cherche pas à formater quelque chose en particulier et on ne se dit jamais que l’enfant risque de ne pas comprendre. On parle d’être humain à être humain. Et c’est tout.

Pour Stella Maris, vous parlez à des êtres humains de 6 mois…
Pascaline : oui mais accessible aussi à des enfants plus grands. C’est un peu ambitieux mais on se disait qu’il n’y a pas beaucoup de spectacles qu’on pouvait voir avec un bébé et un gamin de 5 ans.

Mais alors, comment ça se fabrique un projet comme celui-là ?
Pascaline : au niveau de l’espace, on voulait vraiment quelque chose qui soit de l’ordre d’une immersion. Que ce soit très englobant, assez doux. Les enfants sont avec nous dans ce spectacle, il n’y a pas de frontière. On partage la scène. C’est de l’immersion totale.
Grégoire : les enfants n’ont pas encore les codes du théâtre donc il n’y a pas de limite, même si ce n’est pas leur premier. On se disait que ça risquait de déborder en permanence et même si on avait envie de cette perméabilité entre le jeu et la place du spectateur, il ne faut pas non plus que ce soit n’importe quoi pour qu’ils puissent profiter de ce qu’on leur propose.
Pascaline : certains pensent qu’on ne peut pas amener un enfant avant trois ans au spectacle parce qu’ils ne se souviendraient de rien… mais c’est surtout quel spectacle ? S’il est adapté, étudié et crée pour, c’est tout bon. Ce n’est pas comme si à 3 ans, il se passait un truc hallucinant qui changeait tout (rires).
Grégoire : on leur donne un code : ils sont dans leur îlot et s’ils en sortent, ils sont dans l’eau. C’est l’image qui permet qu’ils ne bougent pas trop. À 95% du temps, ça marche. Mais ils ont une liberté du corps pour s’exprimer et avant 3 ans, pour voir un spectacle, c’est hyper important de le prendre en compte.

Il n’y aurait pas quelque chose de l’ordre de l’apprentissage dans tout ça ? Apprendre à imaginer, apprendre à dépasser… ?
Pascaline : oui carrément.
Grégoire : et apprendre à vivre ses peurs aussi. En douceur… parce qu’ils ont une sensibilité très fine, tout peut devenir effrayant ou, au contraire, doux avec des moments avec des pics, beaucoup d’énergie puis ça redescend, etc. Parce que si un enfant se met à pleurer pendant le spectacle, ça peut partir en cascade. Et si 40 gamins pleurent, on ne peut plus jouer. Il faut faire attention.

Et vous pensez que ça les prépare à la vraie vie ?
Pascaline : oui, ça les prépare à goûter les choses simples de la vie. Et il y a des parents qui prolongent la proposition en accompagnant le jeu… Ça, c’est vraiment génial. Ils prolongent la poésie du projet. C’est vraiment une expérience partagée. Il y a une notion de respect, d’écoute. Écouter, ce n’est pas quelque chose de passif. Écouter, c’est mettre tes sens en éveil et c’est laisser la place à l’écoute des autres. Si l’enfant est acteur dans notre spectacle, ça ne joue plus. Et… pour voir l’invisible, il faut être discret !

Propos recueillis par Valérie Marion

Voir chronique du spectacle en rubrique EN L!VE

PARTAGER CET ARTICLE          
À LIRE AUSSI

D’ABORD, TOUT UN PROGRAMME…

Publié le 29/11/2022
Depuis de nombreuses années, Mélanie Legrand officie chez Songo, l’association qui gérait l’Olympic puis Stereolux. Directrice de l’action culturelle, elle progr...

COMPLÈTEMENT MABOUL !

Publié le 29/11/2022
Ils se sont rencontrés sur des monocycles à Rennes mais se sont installés depuis bien longtemps à Nantes. Leur crédo : faire rire. Et ces clowns y arrivent très bi...