20
septembre
2022

LES TROUBLES DE L’APPRENTISSAGE : C’EST QUOI ET ON FAIT COMMENT ?

Claire Pouteau est orthophoniste libérale et intervenante à l’hôpital de jour Galilée, Clinique Brétéché. Elle nous explique de quoi relèvent les troubles de l’apprentissage, comment les repérer et quel chemin il faut alors emprunter. En gros, Claire nous dit tout ou presque et surtout qu’il n’y a rien de tel qu’un gamin bien dans ses baskets !

Lorsque l’on parle de troubles de l’apprentissage, on parle de quoi ?
Selon le DSM5, classification internationale reconnue, nous parlons des troubles de la lecture (dyslexie), troubles de l’orthographie (dysorthographie) et troubles du calcul (dyscalculie). Tous ces troubles apparaissent au cours du développement de l’enfant mais ne sont dus à aucune lésion cérébrale, anomalie génétique ou autre étiologie explicative.
Dans les terminologies officielles, ils font partis de la famille des troubles du neurodéveloppement qui comprennent : les troubles de l’attention (les TDAH —Trouble du Déficit de l’Attention avec/sans Hyperactivité), ceux du Spectre Autistique (TSA), troubles du développement intellectuel (déficiences intellectuelles), les troubles de la coordination que l’on appelait dyspraxie, les troubles du développement du langage (dysphasie). Souvent, il y a une comorbidité, ce qui signifie que ces troubles peuvent être liés entre eux, mais pas obligatoirement. Chaque cas est unique.

Quels seraient les signes « repérables » avant de rentrer dans le dur de l’apprentissage scolaire ?
Le développement du langage oral est une base fondamentale pour les apprentissages. Sans vouloir inquiéter les parents et en faisant des généralités, on considère qu’à un an, l’enfant commence à prononcer ses premiers mots, à 18 mois, il commence à les associer. Des mots qui peuvent encore être à « déchiffrer » mais que le parent peut comprendre.
S’il ne parle pas à l’entrée en maternelle, cela peut être inquiétant mais on peut toujours laisser passer 2 ou 3 mois pour voir comment ça se passe… en tout cas, on est déjà dans un retard d’acquisition mais le langage peut aussi arriver d’un coup, en globalité. C’est tout à fait possible mais ce n’est pas le cas de tous les enfants. Il vaut donc mieux, parfois, surveiller pour rien. Si tout va bien à côté, que l’enfant comprend ce qu’on lui dit, qu’il regarde bien dans les yeux… on ne s’inquiète pas avant 2 ans ½, 3 ans. Sauf si l’enfant est maladroit, hyper timide, qu’il a du mal à aller vers l’autre ou présente une autre particularité qui questionne… Cela peut révéler qu’il manque de ressources pour compenser une fragilité ou que sa difficulté se situe dans un cadre plus global.
Pour dire qu’il y a un trouble, on cherche un décalage important à la norme : décalage en langage important, vitesse et qualité de lecture, orthographe… mais aussi ce qui peut causer ce trouble-là. Nous recherchons l’étiologie possible des difficultés : cognitive, environnementale, émotionnelle… Est-ce que le trouble est isolé ou si l’enfant a plein d’autres difficultés ? On vérifie généralement la vue, l’audition, le contexte éducatif et scolaire… et pour ces troubles du langage écrit, on va chercher une fragilité dans le langage oral. Le vrai trouble du langage oral, c’est la dysphasie. On regarde où ça « accroche », en compréhension ou en production. Le plus souvent, l’enfant comprend bien mais exprime mal. Le langage oral est l’un des gros critères de prévention et d’inquiétude pour le dépistage des enfants à risque de troubles des apprentissages.
Enfin, les enseignants ont un rôle dans le dépistage des enfants à risque, n’hésitez pas à écouter leur avis, tout comme celui des équipes de PMI.

Le langage est donc au centre de toutes les attentions… mais le vocabulaire dans tout ça ?
C’est un critère important. Un manque de vocabulaire à tout âge donne des difficultés dans le langage écrit, en lecture comme en orthographe. Un mot entendu très tôt construit un vocabulaire au niveau du son et des sens qui sera ainsi plus facile à apprendre plus tard en orthographe. L’orthographe étant un peu le dernier maillon de la chaîne du langage. Les études internationales montrent que la richesse du vocabulaire est prédictive des difficultés ou pas dans l’apprentissage.
Le vocabulaire est donc un facteur de compensation ou d’aggravation d’un trouble mais il existe d’autres facteurs qui vont permettre à l’enfant de compenser des difficultés (comme de bonnes ressources internes-cognitives et émotionnelles, un entourage bienveillant, stimulant et porteur, une forte appétence pour le scolaire, un bon rythme de vie…) ou malheureusement qui vont accentuer les difficultés. Les troubles sont alors plus ou moins difficiles à identifier et à traiter selon ces facteurs de protection et d’aggravation, que nous prenons donc en compte. Un enfant peut donc être accompagné sur différents tableaux.

Vous avez quelques conseils ?
Chez les jeunes enfants, on évite de lui demander de répéter, cela pouvant devenir un facteur de bégaiement, par exemple. En revanche, le parent doit répéter en reformulant. Si l’enfant dit : « a monté les maches maman », on peut lui répondre : « ah ! Tu as monté les marches ». Il faut lui parler d’abord avec des phrases pas trop longues ou complexes et avec un vocabulaire qui s’enrichit au fur et à mesure. En gros, il faut se mettre toujours un petit cran au-dessus de son niveau. Des phrases courtes, du vocabulaire qui revient… Si la prononciation est maladroite mais que l’acquisition du vocabulaire est bonne, on ne s’inquiète pas… dans une certaine mesure.
Les ortho écoutent la qualité de l’organisation des sons dans le mot. Celle de l’organisation des mots dans la phrase et la quantité de vocabulaire. Tout cela doit se développer avec une certaine homogénéité, mais les « erreurs » de langage font également partie du développement normal d’un enfant.
Pour l’acquisition du langage écrit, la lecture d’histoire à tout âge est également très conseillée.
Il faut savoir que dans une acquisition normale, on peut parfois avoir l’impression d’un trouble alors que l’enfant va juste à son rythme. Le mieux est alors de demander un avis à un orthophoniste.

Si l’on s’inquiète, on fait quoi ?
On va d’abord voir son médecin généraliste ou pédiatre qui pourra donner un avis et des conseils et faire une ordonnance pour consulter un orthophoniste. Il faut savoir que les troubles de l’apprentissage sont des diagnostics orthophoniques, mais sous réserve d’un diagnostic médical.
Parfois, on peut avoir besoin de s’assurer que l’enfant n’a pas une étiologie médicale à ses difficultés (génétique, neurologique…), particulièrement quand les troubles sont lourds et diffus. Ce sont alors préférentiellement des neuropédiatres qui interviennent mais ils vont également demander des avis à des neuropsychologues, des psychomotriciens, des ergothérapeutes…
Les orthophonistes s’attachent à trouver les bonnes méthodes d’accompagnement. Ils sont donc dans le fonctionnel : quel est le pronostic d’évolution et qu’est-ce que l’on met en place pour l’aider, pour l’accompagner pour qu’il soit bien dans ses pompes. Comment faire pour que son parcours scolaire ne soit pas trop douloureux. Aujourd’hui, l’école est mieux adaptée. Ces enfants ont des parcours scolaires plus fluides (si les difficultés sont reconnues et accompagnées). Un enfant dyslexique au Cp peut avoir un parcours scolaire brillant ou préférer des domaines plus concrets… Tout dépend de ces capacités personnelles, cela n’a rien à voir avec une déficience intellectuelle.

Il est facile de prendre rendez-vous chez un orthophoniste ?
Il n’y a pas assez d’orthophonistes et les listes d’attente avoisinent parfois un an. Un conseil, au moindre doute, prenez rendez-vous dès que possible et, si tout s’est arrangé entre temps, annulez votre consultation. Sachez aussi que, pour un petit de 3 ans qui ne parle pas du tout, on arrive à trouver des places plus tôt (celles qui auront été libérées — NDLR).
J’ajouterais également que pour le bégaiement, qui n’est pas un trouble de l’apprentissage, les rendez-vous sont plus faciles à avoir. Non pas par sa gravité mais parce que plus c’est pris tôt, mieux c’est car il vaut mieux ne pas le laisser s’installer. Pour des tout-petits, parfois une séance suffit… mais plus on attend, plus on complique les choses.

Propos recueillis par Valérie Marion

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