19
septembre
2023

LA SÉPARATION, C’EST LA VIE ! (ET DES ENNUIS AUSSI)

Emmanuelle Forner (psychanalyste) et Angélina Augello (psychomotricienne et psychologue), toutes deux membres de la Marouette, lieu d’accueil enfants-parents, ont répondu à nos questions sur la séparation. Ping-pong !

Pour l’enfant, la séparation n’est jamais anodine même si les parents font de leur mieux. Pourquoi ?
E.F. : Les parents imaginent souvent que les enfants ne comprennent pas et, du coup, ne leur expliquent pas vraiment la situation. Ils n’en mesurent pas toujours l’impact. Alors que l’enfant se sent investi d’un rôle dans la séparation de ses parents. Ce n’est pas sa place, mais un enfant se sentira toujours impliqué : il voudra protéger son père, protéger sa mère, il voudra réparer les choses… L’enfant s’imagine qu’il a un pouvoir là-dessus.

Comment évite-t-on de mettre son enfant au cœur de la séparation ?
E.F. : Même s’il y a des séparations qui se passent plus ou moins bien, quelle que soit la façon dont c’est dit, même avec le plus de réflexion et de souci de l’enfant, de sa place et de sa hauteur de vue, c’est toujours un moment douloureux. Si bien qu’il n’y a pas de « bonne » façon. Les parents peuvent s’efforcer de distinguer leur couple et le couple parental, ce qui est de l’ordre du privé, de l’intimité de leur relation d’homme et de femme, de ce qu’ils sont comme parents. Se questionner sur leur positionnement. Se demander : est ce que là, je ne suis pas en train d’essayer de faire plaisir à mon enfant ou, au contraire, en train de l’instrumentaliser… ? Il n’y a pas de méthode, mais il y a pas mal de pistes de réflexion…
A.A. : Ce qui peut être compliqué aussi, ce sont les séparations qui n’en sont pas. C’est-à-dire des couples qui à première vue donne l’impression de ne plus être ensemble, vivent séparément, qui parfois sont même soumis à des mesures pour organiser la garde des enfants… mais où finalement la séparation n’est pas effective sur le plan psychique. Il y a quelque chose de confus, de paradoxal, qui peut laisser l’enfant perplexe voire assez perdu.

L’enfant a alors du mal à trouver sa place ?
E.F. : Oui. Il y a en effet une tendance à vouloir faire une « bonne » séparation pour ses enfants, qui est parfois une manière de ne pas se séparer vraiment, et ça, ce n’est pas si simple pour les enfants non plus. Comme pour d’autres événements de la vie, plus les parents sont clairs dans leur position, y compris quand ils sont dans le flou —on peut dire à un enfant qu’on ne sait pas, qu’on est perdu- mieux c’est. Quoi qu’il en soit, je pense tout de même qu’il vaut mieux de se séparer en bon termes que de rester dans le conflit ! Mais parfois ce n’est pas possible et, dans tous les cas, il faut être deux pour que ça le soit.

Et parfois, on a besoin d’aide pour trouver ce qui nous convient… C’est un chemin.
A.A. : Oui. Dans une séparation parentale on parle souvent du bouleversement des repères établis pour les enfants, mais il ne faut pas oublier que c’est aussi le cas pour le parent. Parce que la séparation peut effectivement être un vrai séisme personnel. Ça l’est souvent. C’est plus ou moins douloureux mais il y a quand même beaucoup de changements, ne serait-ce que sur le plan matériel. Et pour les personnes qui ont toujours vécu en couple, se retrouver célibataires, c’est aussi la découverte d’être seul. Bien sûr, ça demande tout un travail et c’est important de pouvoir trouver de l’aide dans ces moments-là. Il faut aussi être en mesure d’accepter cette aide, reconnaître qu’on en a besoin, ce n’est pas toujours évident.
E.F. : Ce sont en effet des changements de vie énormes. Parfois, il faut tout revoir de fond en comble… Est-ce que cela induit forcément une forme de traumatisme pour les enfants ? Ça n’est pas sûr du tout. C’est indéniablement un événement important de leur vie, souvent douloureux, mais grandir avec des parents qui ne se supportent pas, est-ce que c’est moins destructeur ? Évidemment que non.

Mais réussir à rester un « couple » parental, c’est mieux…
E.F. : Oui, dans la mesure où l’on reste deux à élever les enfants. Quand un seul des parents s’occupe principalement du ou des enfants, en l’absence de solidarité entre les parents, le rapport entre l’enfant et le parent peut devenir un peu indistinct : l’enfant peut prendre un rôle protecteur, ou être placé un peu au même niveau que l’adulte… Cela n’est pas forcément un problème, mais cela soulève d’autres questions.

Et la culpabilité dans tout ça ?
A.A. : Ça peut aller loin parfois. Il y a des parents qui ne peuvent pas envisager de se séparer en tant que couple parce qu’il y a des enfants et qu’ils ne veulent pas leur faire vivre ça.

Donc ça peut empêcher de vivre une vie complète ?
A.A. : Oui et ce qui n’est pas aidant, c’est que nous vivons aussi dans une société qui a tendance à placer l’enfant au centre de tout. C’est bien de donner à l’enfant une place d’interlocuteur qu’on considère, on prend en compte ses blessures et douleurs potentielles, sa vie psychique en générale… c’est très bien, c’était une évolution nécessaire mais on peut parfois être un peu dans le trop. Il ne faut pas s’oublier soi-même et ne pas oublier non plus que l’enfant est un enfant, que ce n’est pas encore un adulte mais un sujet en construction et on ne peut pas le mettre au même niveau.

Pour conclure ?
A.A. : Tout le travail d’un enfant, d’un adolescent, c’est finalement de se séparer de ses parents pour devenir adulte. La séparation, c’est un processus de la construction de soi et c’est ce dont il aura à faire toute sa vie.
E.F. : Voilà pourquoi aussi une séparation vient toujours plus ou moins en réveiller une autre. Ce qui vient forcément compliquer la donne…

Propos recueillis par Valérie MARION

La Marouette (2 rue Dobrée, Nantes), ouvert le lundi, mercredi et jeudi de 15h30 à 18h30 ; le samedi matin de 10h à 13h.
marouette.fr

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